Le projet

Présentation du projet par Raphaël Imbert — Directeur général de Campus art Méditerranée

Transformer l'essai

« Transformer l’essai », c’est ainsi que j’avais titré mon dossier de candidature à la direction générale de l’INSEAMM en 2023. Effectivement, pour filer la métaphore sportive, un essai avait été « marqué » par la fusion du Conservatoire Pierre Barbizet au sein de l’établissement public de coopération culturelle qui avait été créé en 2012 pour les Beaux-Arts de Marseille. Il fallait dès lors transformer cet essai, aller au-delà de la prescription administrative de départ, faire de cet établissement unique le moteur d’une dynamique artistique et pédagogique ambitieuse, dans le cadre d’une politique culturelle innovante et originale.

Cette transformation – cet Acte II – est l’enjeu fondamental du présent projet d’établissement. Il s’agit désormais d’assumer notre dimension d’opérateur artistique et culturel phare du territoire, d’innover tout en consolidant les fondamentaux, de dynamiser l’esprit global d’une équipe artistique et administrative de grande valeur, d’animer un réseau vaste et pluriel de partenaires, afin d’éviter le risque de se retrouver « au milieu du gué », comme un simple assemblage de circonstance.

Campus art Méditerranée

Tout d’abord, il faut marquer l’acte et changer le nom d’usage, ce sera « Campus art Méditerranée ». La raison sociale restant l’INSEAMM, le besoin d’un nom lisible et fédérateur est notoirement urgent. Les Beaux-Arts de Marseille, le Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille et l’IFAMM sont désormais réunis sous la houlette de « Campus art Méditerranée ». Il synthétise sous le même vocable notre mission pédagogique et artistique ainsi qu’un ancrage local et international, pour une lisibilité accrue qui engage l’établissement dans son ensemble, tout en respectant les spécificités des écoles qui le constituent.

Valeurs communes

Ensuite, il faut se projeter dans l’avenir, dans un contexte particulier dont il faut saisir les incertitudes sans pour autant en subir les conséquences. Le projet d’établissement s’articule autour de valeurs communes qu’il s’agit d’affirmer, de transmettre, de partager : création, responsabilité, diversité, vigilance, proximité, coopération, innovation, éducation populaire et culturelle, transmission, transversalité, compétence, écoute, exigence, épanouissement.

Faire avec

Pour compléter mon propos, je souhaite partager deux principes essentiels pour bien comprendre nos objectifs dans ce projet d’établissement. Ces principes ont été développés dans deux publications.

La première figure dans l’édito d’une publication des Beaux-Arts de Marseille en 2024 «  Ressources et territoire : expériences en design et savoir-faire avec les matériaux du territoire méditerranéen  ». J’y voyais l’occasion de revenir sur le principe du «  faire avec  »  : «  La position de la créatrice et du créateur l’oblige souvent à répondre à l’injonction de faire « pour ou contre », rarement de faire « avec ». C’est une interrogation centrale (…). Comment faire « avec » ? Avec le public, avec le monde, avec l’autre, avec soi-même ? Bien plus qu’un abandon de libre-arbitre et de l’engagement de l’artiste, « faire avec » invite à l’introspection et à l’écoute, pour une fertile évidence quant aux solutions et aux imaginaires qui s’affirment par ce biais.  »

Loin d’être un geste de résignation (faire avec… les moyens du bord  !), le «  faire avec  » nous invite, au contraire, à sortir de nos particularismes, de nos habitudes, de nos interrogations. C’est faire avec l’autre, les équipes, les usager·ère·s, les partenaires, à la recherche de nouvelles dimensions de recherches, de créations, de réseaux, pour faire équipe, faire «  école  » selon le principe cher aux Beaux-Arts de Marseille  ! C’est faire aussi avec le genius loci, l’esprit des lieux, invitant à magnifier les inspirations locales matérielles et immatérielles, sur deux sites exceptionnels et uniques.

L’un n’empêche pas l’autre

La deuxième publication est le petit livre que j’ai écrit au Seuil en 2023, «  Pour ou Contre les Conservatoires  ». J’y concluais sur la nécessaire vigilance à conserver et à préserver, en ces temps particuliers, un service public d’exception  :

«  Une vigilance (…) qui doit s’accompagner d’un leitmotiv : « l’un n’empêche pas l’autre ! » Le savoir n’empêche pas la connaissance. Le populaire n’empêche pas le savant. L’oralité n’empêche pas l’écriture. L’académie n’empêche pas la spontanéité. L’improvisation n’empêche pas la composition. La créativité n’empêche pas l’étude. Le risque n’empêche pas l’interprétation. La tradition n’empêche pas l’expérimentation. Le patrimoine n’empêche pas le matrimoine. Mozart n’empêche pas IAM ! 

Ce leitmotiv défie les injonctions discriminantes qui affirment nos particularités mais les isolent également et les assèchent. «  L’un n’empêche pas l’autre  » peut être ainsi le principe fertile qui guide notre évolution  : l’enseignement n’empêche pas la création, la recherche n’empêche pas la pratique, le territoire n’empêche pas l’ouverture au monde, l’initiation n’empêche pas le perfectionnement, la production n’empêche pas la transmission, la quête artistique n’empêche pas l’économie culturelle. Complémentaires, interdépendants, ces aspects s’enrichissent et ne doivent pas s’ignorer. Quels lieux et quels sujets plus légitimes que «  Campus art Méditerranée  », avec sa pluralité, son originalité, son unicité pour démontrer la pertinence actuelle et nécessaire de ces deux principes ?

Vigilance & avenir

Affirmons pour conclure  : «  le projet n'empêche pas la vigilance  ». La vigilance évoquée ici, n'est pas celle qui empêche, qui craint, qui freine. Au contraire, elle est celle qui permet de réaliser, de se projeter, d'innover. Rester vigilant c'est rester éveillé. Donc c'est rester vigilant à la mission des équipes, aux attentes de nos usager·ère·s, aux fondamentaux d'un enseignement d'exception, à l'évolution, l'évaluation et le classement de nos écoles, à la situation locale et partenariale, au dialogue fertile et sincère avec les tutelles, à notre responsabilité en matière de service public, d'écoresponsabilité, de lutte contre les discriminations et toute forme de harcèlement. C'est rester vigilant quant à notre nécessaire évolution en termes d'innovation, de pluridisciplinarité, de rayonnement, d'attractivité, de nouveaux partenariats et de nouvelles disciplines. Rester vigilant est la condition sine qua non pour réaliser l'Acte II de Campus art Méditerranée, pour transformer l'essai et ainsi confirmer notre rôle en tant qu'acteur culturel majeur et fédérateur du territoire.   

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